A110 1300S "Rallye Vltava 1968"
- Jürgen Clauss
- 1 nov. 2022
- 17 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 mai
VOITURE USINE
HISTOIRE
CHAMPIONNAT D'EUROPE DES RALLYES 1968 RALLYE VLTAVA
05.-07. JUILLET 1968
DÉBUTS EN RALLYE
BAPTÊME DU FEU DES VICTOIRES
C’était le 5 juillet 1968 lorsque les forêts et villages de Tchécoslovaquie se transformèrent en un décor tonitruant – le Rallye Vltava appelait et Alpine Renault répondit avec détermination, passion et deux Berlinettes affûtées du type A110 1300S.
Après des performances solides au Rallye Monte-Carlo, San Remo et Wiesbaden, l’équipe d’usine attendait encore le grand coup. Les pilotes officiels – légendes en devenir telles que Jean Vinatier, Jean-Claude Andruet, Jean-Pierre Nicolas et Gérard Larrousse – avaient obtenu des résultats dans le top dix, mais la première victoire restait à décrocher. Jusqu’à Vltava.
Dans l’air frais de l’été tchécoslovaque, l’Alpine immatriculée 4712 GE 76 prit le départ – aux mains du duo expérimenté et précis Jean Vinatier et Marcel Callewaert. Le numéro 8 était leur billet pour des débuts inoubliables,
non seulement pour l’équipe, mais aussi pour Alpine elle-même.
Avec une élégance incomparable, une tenue de route affûtée et le hurlement caractéristique de son moteur Gordini 1300, l’A110 traversa les épreuves. Gravier, bitume, serpentin – rien ne pouvait arrêter la Berlinette. Ce n’était pas la voiture la plus puissante du peloton, mais la plus agile, la plus légère, la plus intelligente. Et c’était là la clé.
À la fin de ce week-end dramatique, c’était clair – Alpine Renault avait marqué l’histoire. La première victoire au classement général du Championnat d’Europe des rallyes 1968 était remportée, avec une Berlinette 1300S, un parfait équilibre entre homme et machine, courage et mécanique.
Le Rallye Vltava n’était pas seulement une victoire d’étape – c’était le signal du départ d’une ère. Une première marque sur la route de la domination du sport automobile européen. Alpine avait montré ce dont elle était capable.
Et le monde commençait à écouter.

Fotos © Le Tahitien
Fotos © M. Callewaert
“Les cavaliers bleus” – Jean Vinatier, Jean-Francois Piot, Marcel Callewaert et Jean Todt en pleine conversation.
ALPINE DANS LES ALPS
HISTOIRES VIENNOISES
Ce fut bien plus qu’un simple changement de voiture, ce fut le début d’un des chapitres les plus charmants de l’histoire de l’Alpine A110. Le parcours de la 4712 GE 76, des épreuves du Rallye Vltava jusqu’aux mains d’un gentleman driver viennois – Walter Roser.
Roser, un homme au flair raffiné – non seulement pour les parfums, mais aussi pour les virages, n’était pas un inconnu du monde du sport automobile en 1968. Fraîchement sacré champion d’Autriche sur Renault 8 Gordini, il s’était déjà fait un nom – rapide, souverain, élégant.
Et surtout, passionné jusqu’au bout des ongles.
Son travail de représentant en parfums l’amenait régulièrement en France, et grâce à son instinct fin pour les hommes et les machines, il savait exactement où nouer les meilleures relations – à Dieppe, au cœur d’Alpine. C’est là qu’il rencontra Alain Ducharne, responsable des ventes pour le bloc de l’Est chez Alpine, qui sut aussi flairer le potentiel de Roser.
Ainsi, le charme viennois rencontra le sang français de la course. La Berlinette d’usine jadis pilotée par Jean Vinatier, fraîche du triomphe au Rallye Vltava, traversa les Alpes pour entamer un nouveau chapitre de sa carrière sportive.
Un changement de voiture ? Non. Un changement d’âme. Car avec Walter Roser, l’Alpine ne fut pas seulement conduite – elle fut vécue.
La même année, il poussa la 1300S, arborant encore la plaque française emblématique 4712 GE 76, à travers les cols autrichiens et les spéciales européennes – légère, intrépide, toujours à la limite. Et il ne récolta pas seulement des trophées, mais aussi des sympathies.
Cette « histoire viennoise » n’est pas un appendice de l’histoire Alpine, c’est son cœur. Elle montre comment la passion franchit les frontières, comment un représentant en parfums devient semi-pilote officiel, et comment une Berlinette française devient une légende à Vienne.

Foto @ TMW
3-2-1-partez!
BOSCH RACING TEAM VIENNA
Walter Roser, figure marquante du rallye autrichien, fut membre du célèbre BOSCH RACING TEAM VIENNA de 1967
à 1971. Ses expériences de cette époque sont racontées dans son autobiographie « 3-2-1-go! ». Ce livre d’environ 90 pages offre un aperçu authentique de la scène rallye des années 1960 et est aujourd’hui un objet de collection rare.
Dans « 3-2-1-go! », Roser décrit non seulement les défis techniques et de pilotage du rallye, mais aussi l’atmosphère et l’esprit d’équipe au sein du BOSCH RACING TEAM VIENNA. Ses récits transmettent la passion et l’engagement avec lesquels lui et ses coéquipiers abordaient le sport automobile. Le livre est un précieux document historique offrant aux passionnés de sport et aux historiens un regard profond sur une époque clé du rallye.
V. INT. RALLYE DES 1000 MINUTES 1968
18.-20.OCTOBRE 1968

1000 MINUTES
ROMANTISME DU RALLYE SUR L’ASPHALTE AUTRICHIEN
L’air vibrait, l’asphalte fumait – la « 1ère Internationale Grenz-Rallye des 1000 Minutes » n’était pas qu’une course. C’était un nouveau chapitre du rallye national. Avec des spéciales, la pression du temps et un vrai sentiment de frontière, cette première s’étendait sur environ 900 km à travers la campagne sinueuse de Basse-Autriche, portée par une passion pure et une précision extrême.
Le nom disait tout, 998 minutes de temps de course – presque 17 heures de tension continue.
Pas étonnant qu’elle fût bientôt surnommée avec respect « les 1000 minutes ».
Au cœur de l’action, Walter Roser et son copilote Loibnegger. Dans leur Alpine A110 1300S agile, ils dansaient littéralement sur les routes de campagne, dominaient le peloton avec assurance, et menaient longtemps le classement général.
Mais le rallye, ce n’est pas que la vitesse – c’est aussi un jeu d’orientation et de destin.
Une erreur de navigation, un court écart hors-piste, un pare-brise cassé – le prix: la victoire générale.
Mais les vrais cœurs de rallye ne s’arrêtent pas là. Malgré cet revers, Roser/Loibnegger continuèrent avec courage et savoir-faire, décrochant la 3e place au général et ne laissant personne les devancer dans leur catégorie jusqu’à 1300 cm³.
Les 1000 minutes de 1968 furent la preuve, le rallye n’est pas un hasard. C’est passion, précision – et parfois tragédie. Mais celui qui court écrit l’histoire. Roser l’a fait.


Foto @ TMW
CIRCUIT DE MUGELLO 1969
TRACKDAY
LÀ OÙ LA PASSION RENCONTRE LA PERFORMANCE
Quand l’histoire rencontre l’asphalte, naît la magie – c’est exactement ce qui se passa lorsque Walter Roser mena son Alpine A110 sur le légendaire « Circuito del Mugello ».
Pas une simple balade, pas un jour quelconque, c’était le jour de vérité. Le jour de la technique. Le jour de la passion.
Car pour extirper la dernière étincelle de puissance d’un moteur Gordini 1296 cm³, il faut non seulement du courage et de l’expérience, mais aussi la bonne adresse: CONRERO en Italie – une icône du sport automobile européen, un temple du réglage fin, de la puissance et du caractère.
Roser savait que la performance ne s’achète pas, elle se gagne, s’éprouve, se ressent.
Il testa donc sa Berlinette avec une oreille attentive, une main sensible et un instinct affûté, sur les courbes pittoresques et exigeantes de l’ancien tracé de Mugello.
La photo en témoigne. L’Alpine, une courte pause au bord de la piste, moteur encore chaud, pneus marqués, carrosserie caressée par la lumière du soleil.
Ce n’est pas une pièce de musée, c’est une voiture de course avec une âme, prête à conquérir à nouveau la piste.

Foto © Carlo Alberto Gabellieri
RALLYE DES 3 VILLES MUNICH-VIENNE-BUDAPEST 1969
03.-05. OCTOBRE 1969

L´ÉQUIPE AUTRICHIENNE
LE PILOTE PRIVÉ LE PLUS RAPIDE D’EUROPE
Une chevauchée à travers trois mondes, une course contre la montre, et le moment où un Viennois devint le pilote privé le plus rapide d’Europe.
L’automne 1969 était frais, mais l’air était électrisé. Le Rallye des
3 Villes Munich–Vienne–Budapest approchait, une trilogie mythique d’asphalte, de poussière et de gloire. Cette année-là, le plateau regorgeait de noms prestigieux. L’équipe officielle française, l’Équipe Tricolore, engageait deux titans, Jean-Luc Thérier et Jean Vinatier, tous deux au volant d’ Alpine A110 1300S impeccables.
Mais il y avait aussi quelqu’un d’autre. Walter Roser, le parfumeur viennois, qui avait depuis longtemps prouvé qu’il était plus qu’un simple gentleman driver. Avec son copilote Leopold Mayer, il releva le défi au volant de sa propre Berlinette, celle que Vinatier lui-même avait jadis fait courir à travers l’Europe.
Dans un geste qui reste mystérieux à ce jour, Roser changea la plaque d’immatriculation française originale 4712 GE 76 pour 2575 AL 92 – un nouveau code pour un nouveau chapitre.
Et ce chapitre allait s’écrire comme un conte de sport automobile.
De Munich à Vienne, jusqu’au cœur des montagnes Vértes en Hongrie, la lutte fit rage. Virage après virage, kilomètre après kilomètre. Alors que Thérier menait au classement général, Roser poussait sa Berlinette dans les spéciales comme un possédé – précis, rapide, sans compromis.
Puis vint Vérteskozma, cette spéciale mythique de 12 kilomètres en Hongrie. Thérier, apparemment invincible, détruisit son Alpine – fin de sa course.
Et Roser ? Il vola ! Trois spéciales durant, il laissa derrière lui Jean Vinatier, le vétéran.
Kilomètre après kilomètre, sa réputation grandissait et, à l’arrivée, on ne parlait plus seulement des équipes d’usine – mais de ce privé qui les avait chassées comme un pilote officiel.
Il fut célébré, admiré, acclamé. Et porta dès lors un nouveau titre : « Le pilote privé le plus rapide d’Europe. »


@ TMW

© Rolf Schmidt
QUEL MALHEUR!
Quel drame, quel triomphe et quel goût amer pour la Grande Nation !
Le Rallye des 3 Villes 1969, déjà un feu d’artifice d’émotions, devint dans les dernières minutes le théâtre d’un véritable thriller sportif. Jean Vinatier et Claude Roure, le duo d’élite de l’Équipe Tricolore, étaient en route vers la victoire.
Leur Alpine A110 tournait comme une horloge – précise, rapide, supérieure. Mais le moment décisif ne fut pas une question d’accélérateur, mais de tampon.
À la fin d’une spéciale, peut-être par précipitation, peut-être par sur-motivation, Vinatier/Roure tamponnèrent trop tôt. Une erreur fatale dans le règlement – deux minutes de pénalité. En rallye, une éternité.
De l’autre côté : Roser/Mayer, les locaux autrichiens. Eux aussi avaient commis une erreur – mais seulement une minute.
Ainsi se fit le miracle : ce n’est pas le meilleur temps, mais la plus grande discipline qui donna la victoire.
La protestation de l’équipe française ne tarda pas – vive, bruyante, acharnée. Mais le règlement était impitoyable,
le tampon sans appel.
La victoire finale retourna aux Alpes.
Walter Roser et Leopold Mayer se retrouvèrent au sommet – non par hasard, mais grâce au talent, à la persévérance et à cette pincée de chance que toute légende réclame.
« Quel malheur ! » s’écriaient les Français.
« C’est la course ! », répondaient-ils à Vienne.



SHOWTIME
Après son triomphe acclamé au légendaire Rallye des Trois Villes Munich–Vienne–Budapest 1969, elle devint la vedette d’une nouvelle scène – l’Alpine A110 1300S de Roser n’était plus une simple voiture de course, elle était une icône.
Brillamment polie, encore marquée par les traces fraîches de la victoire sur sa peinture et sa carrosserie, elle trônait sur le stand Renault – l’attraction principale d’un salon automobile aujourd’hui malheureusement non documenté. Qui entrait sur le stand sentait tout de suite,
ce n’est pas un objet d’exposition – c’est une légende.
Sous un éclairage élégant et des chromes scintillants, elle attirait tous les regards. Aucun slogan publicitaire, aucune brochure n’aurait mieux vendu la marque que ce petit éclair blanc avec sa mystérieuse plaque modifiée: 2575 AL 92.
Elle n’était pas qu’une voiture. Elle était une histoire de carburant, de sueur et de gloire.
Un symbole que même un semi-officiel viennois pouvait battre les grandes figures françaises – et qu’une Berlinette pouvait être plus qu’une voiture de course – une déclaration.
La scène lui appartenait.
VI. INT. RALLYE DES 1000 MINUTES 1969
17.-19.OCTOBRE 1969
E RALLYE LE PLUS EXIGEANT D’AUTRICHE
Il était brutalement rapide, implacablement long et pas pour les cœurs faibles – le « Rallye des 1000 Minutes » était l’épreuve la plus dure d’Autriche sur asphalte et gravier.
Pas une promenade du dimanche, mais une danse impitoyable à travers la nuit, plus de 900 kilomètres d’essence pure de rallye. Qui voulait y survivre devait tout donner. Esprit, compétence et courage.
KING OF COOL
Et au milieu de tout cela: Walter Roser, gentleman au rallye. L’odeur de l’essence mêlée à un soupçon de parfum – normal, car Roser était parfumeur de métier. Mais ce qui le distinguait vraiment, c’était son style. Dans le parc fermé, il déambulait en costume élégant, cigarette allumée nonchalamment, lunettes de soleil sombres, comme si Steve McQueen avait adopté une Berlinette.
Devant lui, son arme – la légendaire Alpine A110 1300S, jadis immatriculée 4712 GE 76, désormais 2575 AL 92 – le charme français restait, mais la plaque demeurait un mystère. La Berlinette qui avait porté Jean Vinatier à la victoire était désormais la fidèle compagne de Roser dans la sauvagerie des étapes alpines.
Et comme elle volait! Svelte, nerveuse, rapide – avec Roser au volant, la Berlinette devenait une extension de sa volonté. Chaque dérapage, chaque freinage, chaque seconde comptait. Et pourtant, il restait cool, imperturbable, concentré.
Un gentleman en tenue de combat. Un champion avec du style. Un roi des courbes – le King of Cool.
© TMW
VII. INT. RALLYE DES 1000 MINUTES 1970
16.–18. OCTOBRE 1970
CHANGEMENT DE PILOTE – UNE ÉPOQUE EN MUTATION
Le « Rallye des 1000 Minutes » était bien plus qu’une manche du championnat d’Europe – c’était un mythe sur roues, une épreuve ultime pour l’homme et la machine. Pour y survivre, il fallait que cœur et cerveau battent à l’unisson. La septième édition en 1970 promettait encore vitesse, drame et légendes. Et en son cœur, un changement de chapitre.
Georg Koltay, homme talentueux au sang d’essence, prend le volant de cette Berlinette qui, jadis, sous le numéro 4712 GE 76, avait bouleversé le monde du rallye. La caméra le capte – concentré, focalisé, prêt à écrire la suite de l’histoire. Pas une tâche facile, car cette voiture portait l’héritage de Vinatier et Roser, celui des victoires, des drames, de la gloire.
Mais Koltay n’était pas seul. Deux autres professionnels autrichiens du rallye s’installèrent successivement dans le cockpit exigu de cette Alpine – chacun avec ses propres ambitions, chacun avec sa propre histoire. Certains chapitres racontèrent des succès, d’autres se perdirent dans la poussière des spéciales.
Mais tous partageaient le même respect pour la machine et ce qu’elle représentait.
Car cette Berlinette était bien plus que fibre de verre, métal et moteur Gordini. C’était un morceau d’histoire vivante du rallye. Un héritage roulant. Et même si elle passa bientôt aux mains de pilotes amateurs ambitieux, son esprit resta intact.
Une voiture. Une époque. Des pilotes qui vinrent et repartirent – mais jamais sans laisser de traces.
© TMW
PILOTE PRIVÉ
Après les brillants succès de Walter Roser en 1968 et 1969, il échangea la légendaire 4712 GE 76 contre une Alpine A110 1600S plus puissante – mais c’est ainsi qu’un nouveau chapitre s’ouvrit pour la 1300S.
La délicate et agile bête de rallye passa aux mains du pilote privé autrichien Josef Barbach.
Avec une passion et un talent tout aussi grands, Barbach mena la Berlinette à travers les routes sinueuses des Alpes,
où elle déployait toute son agilité et son caractère unique.
Il écrivit ses propres histoires, chassant chaque seconde, sentant battre le cœur du moteur Gordini dans chaque virage.
La photo le montre, fier, aux côtés d’un trophée mérité – un témoignage silencieux de ses succès et de son profond attachement à cette voiture de rallye extraordinaire. En arrière-plan trône le portrait de sa fidèle compagne, la 1300S, qui lui offrit des moments inoubliables sur la route.
Ici, pilote et machine fusionnent en une unité plus qu’un sport – c’est une passion pure, vivante dans l’asphalte et l’histoire du rallye.

Josef Barbach, Ex-1300S Pilot.
SEARCH AND RESCUE
AOÛT 2005
JEU DE PATIENCE
Un spectacle de désolation offrait autrefois l’usine alpine fière, lorsqu’elle fut homologuée pour la circulation publique à Vienne – gravement accidentée, marquée par le temps et le destin. Pour cette Berlinette unique, c’était apparemment la fin. Une existence incertaine en terres alpines, loin du prestige et des circuits, se dessinait.
Elle passa entre les mains d’au moins une demi-douzaine d’amateurs – mais personne n’osa s’attaquer à la restauration. L’espoir semblait éteint, et l’histoire de l’Alpine risquait de sombrer dans la poussière de l’oubli.
Mais en août 2005, la donne changea. Après des années de visites durant mes vacances d’été en Autriche, une amitié se noua avec le propriétaire de l’époque. Il me confia l’ex-précieuse Alpine de Walter Roser – convaincu que je lui redonnerais vie.
Ainsi commença le long jeu de patience, un acte d’amour et de foi en la renaissance d’une légende. Une promesse non seulement de restaurer cette Berlinette, mais de lui redonner tout son éclat – comme si elle n’était jamais tombée.
BLOOD SWEAT AND TEARS
PEINTURE
JANVIER 2008
SPRAY & PRAY
La restauration fidèle d’une Berlinette n’est pas une commande ordinaire d’atelier – c’est un art. Elle exige bien plus que du savoir-faire et des connaissances techniques.
Elle demande une profonde compréhension de l’évolution de ce véhicule unique, notamment dans sa version compétition. Car les Berlinettes de course diffèrent de leurs sœurs civiles en d’innombrables détails – souvent si subtils qu’ils n’apparaissent dans aucun manuel ou guide de restauration.
Près de trois ans passèrent – marqués par des envolées d’enthousiasme et des moments de profond doute –
avant que la carrosserie ne soit enfin prête pour la peinture. Des heures et des heures de ponçage pur, chaque millimètre modelé, senti, affiné à la main. Chaque contour, chaque ligne, chaque rayon devait être parfait.
Une peinture professionnelle était indispensable. Rien ne serait plus tragique que de gâcher ce travail préparatoire par une couche négligée. Les attentes étaient grandes, la pression immense.
Et pourtant – malgré la planification, la précision et la perfection – le moment où la bombe de peinture effleure pour la première fois le polyester reste un moment d’espoir, d’angoisse.
Spray & Pray. Car c’est là que se joue le résultat final: un fini impeccable ou une déception.
C’est cette ligne fine entre risque et récompense, technique et émotion, qui fait de la peinture peut-être l’instant le plus magique de toute restauration.
REMONTAGE
AVRIL 2010
LE DIABLE SE CACHE DANS LES DÉTAILS
Le grand moment était arrivé – le remontage. Mais ceux qui pensent qu’il ne s’agit plus que d’un simple puzzle de pièces se trompent lourdement. Le montage final est un acte de précision extrême et la preuve ultime de la passion et de la perfection investies dans cette restauration.
Avant même la peinture, toutes les pièces rapportées furent parfaitement ajustées, chaque trou percé avec exactitude, chaque jeu de fonctionnement affiné, chaque porte et chaque capot minutieusement ajustés. À ce stade crucial, rien ne pouvait être laissé au hasard.
Le rétablissement d’écarts harmonieux, de bordures précises et de transitions symétriques consomma d’innombrables heures – mais cela en valait la peine. Car c’est ici que se joue la différence entre une voiture restaurée et une voiture recréée.
Chaque pièce, du verre du phare à la trappe à carburant, fut inspectée, remise à neuf et polie jusqu’à briller. Même des composants apparemment anodins, comme les aimants de la trappe à essence, ne furent pas remplacés à bon marché, mais minutieusement recherchés auprès du fabricant d’origine en France – pour un résultat chargé d’authenticité.
Car au final, c’est cette exigence intransigeante pour chaque détail qui fait d’une restauration non seulement une réussite, mais une œuvre exceptionnelle.
LE MOTEUR - LE FEU SACRÉ
« LE SORCIER » – LE MAGICIEN VIT ENCORE
Quand on pose les yeux sur un moteur de course Gordini de 1296 cm³ et environ 135 chevaux prêt à être monté, le cœur de tout passionné de génie français s’emballe. Ce n’est pas qu’un simple moteur, c’est un manifeste mécanique racontant le génie d’Amédée Gordini.
Le légendaire « Sorcier » – ainsi que toute la France le respectait – insuffla aux moteurs Renault ordinaires le feu qui en fit des combattants invincibles sur les routes de rallye d’Europe. Et ce moteur ici? Il porte son héritage dans chaque boulon, chaque pièce, chaque pulsation métallique.
La poulie de vilebrequin spécialement fabriquée – initialement conçue pour entraîner l’alternateur monté côté châssis – est une relique technique et une œuvre d’art à la fois. Des détails comme celui-ci témoignent du génie qui distinguait les moteurs Gordini des autres.
Inratable, la cuve d’huile soudée à la main avec ses ailettes de refroidissement intégrées – une marque distinctive d’une époque où la performance primait sur tout. Le pot de course sans silencieux n’est pas une provocation, mais une déclaration – de liberté, de puissance, d’authenticité.
Et puis il y a ce son. Ce grognement métallique qui s’échappe du cœur de la fonte – brut, sincère, électrisant. Le son d’un moteur Gordini n’est pas un simple bruit d’ambiance – c’est de la musique. Une musique qui ne sort pas d’un haut-parleur, mais des profondeurs de la mécanique. Une musique qui évoque souvenirs et rêves.
Le « Sorcier » n’est peut-être plus parmi nous. Mais avec chaque étincelle d’allumage, il vit encore. Dans des moteurs comme celui-ci. Dans des Berlinettes comme celle-ci. Dans des moments où l’histoire respire.

BACK ON TRACK
LUMIÈRE ET OMBRE
OCTOBRE 2010
COLCHIQUE D’AUTOMNE
C’est ce moment magique de l’année où l’été s’en va, où les forêts se parent d’or et où la lumière caresse l’asphalte de longs rayons chauds. Le soleil est bas, le jeu d’ombre et de lumière vacille comme un souvenir – fugace, mais vivant. Au milieu de cette beauté mélancolique glisse la No. 8.
Tel un mythe sur roues, elle revient – non pas comme une pièce de musée, mais comme une légende vivante. Son second printemps n’est pas un hasard, mais le fruit d’années de dévotion, d’exigence et d’amour du détail. Ressuscitée telle un phénix des cendres, elle s’affiche dans l’état où elle écrivit l’histoire du rallye en 1968 en Tchécoslovaquie – en tenue complète du vainqueur du Vltava, avec toutes les options originales que l’usine lui avait données.
Et bien que sa livrée soit sobre, son allure discrète – dans cette simplicité réside une fierté silencieuse. Rien de trop, rien de trop peu. Les formes coulent, les détails murmurent des histoires que seuls les regard attentifs entendent. Dans le monde de l’Alpine A110 1300S, la retenue n’est pas une faiblesse, mais la plus haute forme d’élégance.
Cette Berlinette ne parle pas – elle chante. Des jours glorieux, de l’essence et de la poussière, de précision et de passion. Et par un jour d’octobre doré de 2010, elle nous raconte ce que c’est que de porter la lumière après tant d’ombres.
GET OUT AND DRIVE
À FOND
OCTOBRE 2010
RETOUR AUX DRIFTS
L’automne est dans l’air – frais, clair, prometteur. La route est sèche, le volant ferme en main, la ceinture serrée sur l’épaule. Et puis: contact, un aboiement rauque – le Gordini 1296 cm³ s’éveille. Ce qui suit n’est pas une promenade – c’est une révélation.
À peine chaud, la Berlinette montre à quoi elle est faite. Légère, compacte, basse – un couteau dans le beurre. Le moteur de course préparé monte volontiers dans les tours, la pédale devient un pinceau qui peint les virages.
Puis le moment, une impulsion brève au volant, gaz – drift. L’arrière dérape, contrôlé, consentant, comme s’il attendait cette danse. Une légère contre-braquage et elle se met en travers comme dans un livre d’images. Pas une lutte sauvage, mais un mouvement fluide – précision, feeling, équilibre.
Les initiés savent : parmi toutes les versions de l’Alpine A110, c’est la 1300S au cœur Gordini préparé qui parle le plus directement à l’âme. Pas de poids excessif, pas de force inutile – juste la joie de conduire pure et sans filtre.
Le drift n’est pas une perte de contrôle. C’est le contrôle dans sa plus belle forme. Et ainsi elle danse à travers l’automne – légère, avide, souveraine. Un retour aux jours anciens, un départ pour de nouvelles aventures.
Let’s drift again – comme si elle n’avait jamais cessé.
FOREVER
FÉVRIER 2018
INVITATION AU FESTIVAL MOMENT DU FILM
I-PHONE UNIQUEMENT
Parfois, ce sont les idées les plus folles qui ont le plus grand impact.
Un film complet tourné uniquement à l’iPhone? Pourquoi pas.
Le cinéaste et esprit créatif David zu Elfe avait une vision – claire, sans compromis, poétique. Ce qui suivit fut une course folle contre le temps: quelques jours seulement entre la première idée et la réalisation finale. La date limite du Moment Invitational Film Festival approchait sans pitié.
C’était en février. La pluie verglaçante battait les routes de campagne, la neige balayait les forêts et, au milieu de tout cela, cette Berlinette, protagoniste d’une histoire qui dépasse le visible.
« FOREVER » – plus qu’un film. Une déclaration d’amour. Aux formes, au son, au mouvement. À ce qui reste lorsque le rugissement des moteurs s’estompe depuis longtemps.
Le jury a adoré. Les spectateurs l’ont ressenti. Et nous? Nous savions: certaines choses sont faites pour durer.
… et le gagnant fut :
// a film by DAVID ZU ELFE (https://instagram.com/davidzuelfe/)
// recording, sound design & score by PHILIPP STEPHAN(https://instagram.com/deafbirdsound/)
// voiced by RICK WHELAN (https://www.fiverr.com/heresricky)
// poem by PAUL LAWRENCE DUNBAR (1872 - 1906)
// car provided by JUERGEN CLAUSS / ALPINELAB.DE
Car In Detail
DÉJÀ-VU
DANS LE RÉTROVISEUR
Que dirait Jean Vinatier aujourd’hui en voyant son ancienne compagne de rallye?
La reconnaîtrait-il – cette petite combattante bleu clair aux formes marquantes et au regard inimitable? Se souviendrait-il du volant qu’il serrait fermement lors de cette nuit d’été légendaire en 1968 en Bohême du Sud, alors qu’il filait avec la Berlinette à travers les virages sinueux près de Pisek – poussé par l’ambition, l’essence et la volonté de gagner ?
Probablement pas. Pour Vinatier, elle était alors un outil. Une arme. Un instrument de précision pour pulvériser les temps de spéciale et laisser les adversaires derrière.
Ce n’était pas l’esthétique qui comptait, mais les secondes au chrono. Pas de place pour la sentimentalité – le rallye, c’était la lutte.
Mais aujourd’hui, sous la lumière dorée d’octobre, elle est bien plus – un témoin du temps, une sculpture sur roues. La netteté des jours passés a laissé place à la dignité, ses cicatrices ne sont plus visibles, mais son histoire reste palpable. Chaque détail raconte un triomphe, une tragédie, une technique et la passion déchaînée qui a été nécessaire pour la ramener de l’oubli.
La Berlinette est arrivée. Plus seulement un engin de course – mais une icône.
Et peut-être, juste peut-être, Vinatier resterait silencieux devant elle aujourd’hui. Sourirait… et hocherait la tête.
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