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A110 1600S "Swissair 1971"

Dernière mise à jour : 24 mai

LA RÉFÉRENCE ALPINE


HISTOIRE

CAPSULE TEMPORELLE


Il existe des automobiles qui sont bien plus que de simples machines – ce sont des témoins vivants d’une époque révolue. Cette Alpine A110 1600S est l’un de ces trésors. Commandée neuve en 1971 par un ancien ingénieur de SWISSAIR, vivant près de Genève, elle a été choyée et entretenue pendant des décennies avec une dévotion et un soin qu’on rencontre rarement aujourd’hui. Pour lui, elle n’était pas seulement une voiture – c’était une compagne fidèle, un symbole de liberté, une promesse silencieuse d’élégance mécanique. On pourrait presque croire que cette Berlinette est sortie tout droit d’une capsule temporelle – figée dans le rêve intact d’un passionné.

L’état de conservation exceptionnellement d’origine ne laisse aucun doute : cette Alpine était sacrée pour lui. Chaque détail, chaque courbe, chaque son du moteur raconte l’histoire d’un homme et de son amour discret mais indéfectible pour sa machine.

On sait très peu de choses sur son premier propriétaire. Ni son nom, ni son adresse n’ont pu être retrouvés. Seuls subsistent quelques indices émouvants : un vieux porte-clés et un parapluie usé, tous deux frappés du logo SWISSAIR – vestiges silencieux de sa vie et de son histoire. Ce que l’on sait, c’est qu’avec l’âge, il a été atteint de démence et placé dans un établissement de soins, sous la tutelle des autorités suisses (KESCHA). Un chapitre s’est refermé – un autre s’est ouvert, plus discrètement.

Son héritage – incluant également une Alpine A310 – a été mis en vente par la KESCHA. Les deux véhicules ont été proposés sur le site d’un vendeur de voitures classiques dans le canton de Berne. Ce fut un moment de destin lorsque je suis tombé sur cette capsule temporelle. Une rencontre rare, de celles qui ne se présentent qu’une fois dans une vie – et que j’ai saisie sans hésiter.



BACK ON TRACK

PRÊTE A L´EMPLOI


Certains véhicules racontent des histoires de sauvetage laborieux, de restaurations interminables et de sacrifices passionnés – mais pas celui-ci. Ici, les chapitres SEARCH AND RESCUE et BLOOD, SWEAT AND TEARS peuvent être laissés de côté sans le moindre regret. Car cette automobile est une véritable exception. Aucun besoin de grands travaux, aucune reconstruction – seulement les entretiens classiques nécessaires après une longue période de sommeil. Rien de plus.

Dès le premier regard attentif, une évidence s’est imposée : jamais une main maladroite ne s’était aventurée sur cette voiture, jamais elle n’avait été démontée ou « améliorée ». Elle est restée intacte, telle qu’assemblée à l’époque par les mécaniciens de l’usine – authentique dans les moindres détails, fidèle à son état de sortie d’usine.

Seule modification : deux simples élastiques fixés sur le capot arrière, ajoutés par le premier propriétaire comme sécurité supplémentaire – et c’est tout. Pour le reste ? Elle rayonne d’une pureté presque vierge, encore habillée de sa peinture d’origine, avec chaque pièce à sa place, comme si le temps s’était figé.

Et oui, elle porte quelques marques du passé – de fines rayures, de légères craquelures, de minuscules cloques. Mais ces « défauts » sont tout sauf des défauts. Ils sont la signature du vécu, la preuve d’un parcours noble. Une patine pleine de charme, que nul maître carrossier au monde ne pourrait recréer.

On s’assoit. On tourne la clé. On démarre. Magnifique!



GET OUT AND DRIVE

UNE A110 QUI PEUT TOUT FAIRE


C’était une première dans mon histoire personnelle avec Alpine — une Berlinette revenue à la vie presque sans effort, comme si elle n’avait fait que sommeiller, en attente de reprendre son souffle. En à peine quelques semaines, elle était de retour sur la route. Pas de longues nuits à l’atelier, pas de combat acharné contre le temps ou les outils — elle était prête. Il suffisait de l’écouter.

Dès les premiers mètres, elle m’a offert une expérience de conduite presque indescriptible. Le petit volant MOMO Prototipo de 330 mm semblait d’abord inhabituel — les efforts de direction plus marqués. J’ai craint un instant que l’agilité en souffre. Mais non. La démultiplication d’origine, alliée aux pneus étroits, restitue toute la légèreté et la vivacité caractéristiques de la Berlinette — agile, précise, vivante.

Même les amortisseurs d’origine, toujours en place depuis 1971, fonctionnent avec une douceur surprenante — mais sans jamais devenir flous. Leur réglage n’est pas flottant, mais fluide — comme une mélodie bien écrite, qui n’a pas besoin de crier pour toucher.

Non — cette A110 ne réclame ni brutalité, ni accélérations furieuses, ni virages attaqués en force. Elle veut être guidée, avec douceur, avec intuition. Elle récompense la finesse, pas la violence. Comme une ballerine qui ne s’épanouit qu’en parfaite harmonie avec son partenaire. Les nouveaux pneus Michelin XAS FF lui vont à merveille. Malgré leur fine surface de contact, ils offrent une tenue de route constante, sûre et rassurante. Leur gomme tendre “FF” garantit des réserves de grip suffisantes, même en courbe rapide — elle reste imperturbable.

Même les sièges d’origine, souvent sous-estimés, remplissent parfaitement leur rôle. Ils offrent un bon maintien latéral, et l’on oublie vite que l’on conduit un morceau d’histoire. Certes, la position de conduite est plus haute que dans un baquet — mais peut-être est-ce cela qui affine les sensations. On voit mieux, on sent mieux. On devient un avec la route.

Mon verdict ? Cette Berlinette sait tout faire. Véritable caméléon de la route — parfaite pour une balade paisible, tout autant que prête pour une conduite dynamique et sportive. Surtout sur les routes sinueuses de montagne, où chaque virage devient une invitation.


Bonne route — et que ce moment ne finisse jamais.




CAR IN DETAIL

SEULE L´ORIGINALE COMPTE


Customisation, tuning, modifications en tout genre – tout cela est devenu monnaie courante. Dans le vaste univers Alpine, ces pratiques sont désormais presque la norme. Rares sont ceux qui respectent encore les intentions originelles que Jean Rédélé avait insufflées à ses créations, tant sur le plan du design, que de l’équipement ou des spécificités techniques. Sa vision – claire, exigeante, d’une élégance intemporelle – est trop souvent ignorée, voire défigurée. Ceux qui chérissent l’authenticité ne forment plus qu’une petite minorité discrète. La majorité restaure selon ses envies – transformant, modifiant, recomposant – jusqu’à ce que l’âme du véhicule d’origine disparaisse.

Certes, nombre de Berlinettes sont aujourd’hui dites “restaurées”. Mais en réalité, elles ont bien peu en commun avec les voitures qui quittèrent autrefois l’usine. L’essence même du modèle, son caractère, sa subtilité – tout cela s’efface peu à peu sous les couches de peinture moderne, de fibre de verre, et de bonnes intentions mal placées.

En plus de 35 ans de passion et de collection autour de l’Alpine A110, j’ai vu passer d’innombrables voitures. La plupart modifiées – parfois légèrement, parfois profondément. Mais aucune, pas une seule, n’a su dégager le charme, l’aura, la beauté authentique d’un exemplaire resté intact. Aucune n’a su incarner cette noblesse silencieuse, cette élégance naturelle, cette force tranquille qu’une vraie originale dégage sans effort.

Jean Rédélé lui-même – selon ceux qui l’ont connu – n’était pas amateur de tuning ni de transformations. Pour lui, chaque Alpine était une œuvre d’art pensée dans les moindres détails, un parfait équilibre entre ingénierie et raffinement français. Dès lors, tomber aujourd’hui sur une voiture ayant traversé plus d’un demi-siècle sans jamais être altérée relève presque du miracle. Ces véhicules ne sont plus seulement des automobiles – ce sont des trésors culturels, des fragments vivants de notre histoire. Et ils méritent d’être préservés avec la plus grande dévotion.

Toute modification, toute altération de l’original, va au-delà de la simple faute de goût – c’est une perte. Une lente érosion de l’héritage d’un visionnaire. Bien sûr, chacun est libre de faire ce qu’il veut avec sa voiture. Mais à force de réinterpréter nos icônes automobiles à notre guise, nous finissons par perdre tout repère. Et oublier ce qu’était vraiment l’original.

À mes yeux, toucher à une A110 dans son état d’origine revient ni plus ni moins à profaner un chef-d’œuvre. C’est comme redessiner le sourire de la Joconde – en pensant naïvement l’améliorer. Une opinion radicale, sans doute. Mais soyons honnêtes : quelqu’un a-t-il jamais osé s’approcher de la toile de Léonard de Vinci avec un pinceau à la main ?

Prenons un instant. Protégeons ce qui fut créé avec tant de passion. Pour Jean Rédélé. Pour nous-mêmes. Et pour tous ceux qui savent encore que la vraie beauté n’a pas besoin d’être améliorée.




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